A défaut de précision, la condamnation pour licenciement sans cause doit s’entendre en « brut »

26/07/2019
Chloé Bouchez et Pascal Flécheau reviennent sur les termes de l’arrêt du 3 juillet 2019 qui vient fixer la jurisprudence en matière de traitement social de l’indemnité de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse lorsque le juge n’a pas précisé si elle devait s’entendre d’une somme nette ou brute.

En l’absence de précision, la condamnation prononcée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit-elle s’entendre en net ou en brut ?

C’est sur cette question qu’a été amenée à se prononcer la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 juillet 2019 (RG n°18-14.074) confirmant le principe selon lequel, à défaut de précision, la condamnation doit s’entendre d’une somme brute.

Dans cette affaire, la Cour d’appel de Paris avait condamné un employeur à une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Estimant que cette somme s’entendait en brut, la Société a précompté les cotisations et contributions sociales salariales au-delà de 2 PASS (plafond annuel de sécurité sociale), pour une somme correspondant à plus de 33.000 euros.

Considérant que le défaut de précision devait conduire à traiter cette somme en net, le salarié a fait procédé à une saisie-attribution sur l’un des comptes bancaires de la société pour le montant correspondant aux cotisations sociales salariales précomptées par l’employeur.

La Société a saisi le juge de l’exécution, qui l’a déboutée de ses demandes estimant que « les termes ainsi employés [étaient] suffisamment clairs et sans aucune ambiguïté ; qu’aucune mention de l’arrêt ne [prévoyait] que des sommes [pouvaient] être déduites de ladite condamnation ».

Dans son arrêt du 27 décembre 2018, la Cour d’appel de Paris a confirmé la position du juge de l’exécution ajoutant un argument supplémentaire tenant au fait que « l’intention de la cour d’accorder au salarié une somme nette de toutes cotisations se déduit du dispositif de la décision qui fait partir, conformément aux dispositions de l’article 1153-1 du code civil, devenu l’article 1231-7, les intérêts à compter de la décision du conseil des prud’hommes et non de la demande ».

Au visa des articles R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécutions, 1351 du code civil, devenu l’article 1231-7 et 480 du code de procédure civile, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel reprochant à la Cour d’avoir « constaté que la décision servant de fondement aux poursuites ne s’était pas prononcée sur l’imputation des cotisations et contributions sociales, ce dont il résultait que l’employeur devait procéder au précompte des sommes dues par le salarié sur la condamnation prononcée (…) ».

Autrement dit, faute de précision contraire, la condamnation prononcée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause, fondée sur l’article L. 1235-3 du Code du travail, doit s’entendre en brut et l’employeur est tenu de précompter les sommes dues au regard du régime social et fiscal applicable.

L’enjeu n’est pas neutre : outre les cotisations sociales patronales, l’employeur se voyait menacé de devoir assumer, faute de précision dans le jugement, les cotisations sociales salariales. Au cas d’espèce, sur la condamnation initiale d’un montant de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts venaient ainsi s’ajouter 63.000 euros de cotisations sociales patronales et 33.000 euros de cotisations sociales salariales, portant la condamnation à la somme totale de 246.000 euros en coût pour l’entreprise.

Cet arrêt vient ainsi clore la construction jurisprudentielle de la chambre sociale de la Cour de cassation qui avait déjà pu initier une réflexion en ce sens dans des arrêts datant du 19 mai 2016 (n°15-10.954) et du 16 mai 2018 (n°16-26.448).

Dans ces décisions, la Cour de cassation consacrait l’attention de principe suivant : « (…) alors que son précédent arrêt ne s’était pas prononcé sur l’imputation des contributions sociales, la cour d’appel qui, sous le couvert d’une interprétation, a modifié sa décision précédente, a violé les textes susvisés ».

Cette décision devrait donc mettre un terme aux débats pouvant s’élever à l’occasion de l’exécution d’une décision de justice et concernant le traitement social des dommages et intérêts octroyés au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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